Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/138

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crêtes de coq, par allusion au tir à l’arc et aux volatiles qu’on fait tomber du mât.

Borluut fut heureux. Il revécut ainsi le passé, fut le contemporain, un moment, de l’ère glorieuse. Il en avait reconstitué le décor. Maintenant il en atteignait l’esprit. L’âme ancienne de la Flandre demeurait dans la Gilde, aux plis fanés de sa bannière, aux lèvres des vieux portraits qui le seconderaient en silence, deviendraient ainsi les zélateurs de la Cause. Borluut connut la joie des réalisations. Il avait bien fait d’aimer la ville, de recréer son passé, de vouloir qu’elle vécût en Beauté, d’en faire une œuvre d’art, et son œuvre d’art. Cet amour pour la ville ne l’avait pas trompé, du moins ; il le sentait réciproque, à cette minute de triomphe…

Qu’étaient-ce dès lors que tous ses minimes ennuis humains, son foyer morne, Barbe irascible, un peu de cris et de querelles, la cendre quotidienne de son âtre ? Au-dessus de la vie ! Il monta dans son rêve comme il montait dans la tour. Son rêve était une tour aussi, du haut de laquelle il voyait la ville et l’aimait de plus en plus, en la regardant dormir, si belle !