Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/197

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nante du tabernacle : « Ô mon Dieu ! dites-moi que ce n’est pas trop vous offenser et que vous me pardonnez. J’ai tant souffert, mon Dieu ! Et puis vous n’avez pas défendu d’aimer ! Or, c’est lui que j’aime, que j’ai toujours aimé, à qui je suis fiancée depuis toujours. C’est lui que j’ai choisi devant vous, mon Dieu ! que je choisis pour mon seul et mon éternel époux. S’il n’est pas mon époux devant les hommes, il sera mon époux devant vous. Ô mon Dieu ! dites que vous me pardonnez ! dites que vous me bénissez. Dites que vous allez nous unir, ô mon Dieu, que vous allez nous marier, en recevant mon serment et le sien… »

Brusquement, elle se retourna : un bruit de pas venait vers elle ; quelqu’un s’avançait, dans le crépuscule accru, qui devait être Joris. Elle le voyait avec son âme. Alors, elle eut un frisson et s’apparut à elle-même devenue toute pâle. Son sang déserta le visage, reflua au cœur en une marée rouge et chaude. Elle sentit, dans sa poitrine, une tiédeur, un effleurement comme d’une caresse de bonheur, une rose soudain ouverte et qui mettait là un temps de mai.

L’ombre humaine grandit, entra dans l’ambulatoire, fut bientôt derrière elle, murmurant : « Godelieve » très doucement, au-dessus de son épaule.

— Joris, c’est toi ? fit-elle, encore un peu inquiète, mal assurée dans son bonheur.

Puis elle lui indiqua une chaise qu’elle avait pré-