Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/22

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d’architecte. Ce fut une leçon publique, une leçon de beauté, donnée à ceux qui, possédant de vieilles demeures, les laissaient s’effriter irréparablement ou les démolissaient pour rebâtir de banales maisons modernes.

Van Hulle, lui, s’enorgueillissait de son logis au visage de passé. C’est bien ce qu’il fallait pour ses vieux meubles, ses curiosités anciennes, étant moins antiquaire et marchand que collectionneur, vendant seulement si on lui offrait de gros prix et que cela lui convînt, fantasque et en droit de l’être, puisqu’il possédait du bien. Il vivait là avec ses deux filles, resté veuf depuis longtemps. C’est par hasard et peu à peu qu’il était devenu antiquaire. Au début, il se bornait à aimer, à recueillir les vieilles choses locales : les faïences d’un indigo profond qui servaient de cruches pour la bière ; les armoires de verre abritant quelque Madone de bois colorié, vêtue de soie et de point de Bruges ; les bijoux, colliers, oiseaux de tir à l’arc des gildes du quinzième siècle ; les bahuts à panneaux bombés de la renaissance flamande — toutes les épaves, intactes ou cicatrisées, des récents siècles, tout ce qui venait témoigner dans le présent de la riche patrie ancienne. Mais il avait acheté moins pour revendre et faire le commerce que par amour de la Flandre et de la vieille vie flamande.

Or, les âmes pareilles se reconnaissent vite au milieu de la foule, et s’assemblent. Il n’existe jamais,