Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/255

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des soldats massacrant Ursule et ses compagnes sur la châsse de l’Hôpital. Les briques séculaires aussi, tout éraflées, allaient saigner par des plaies qui feraient mal à voir.

Borluut essaya également l’opposition par des articles de journaux. Il s’était assuré une feuille locale, y entreprit une campagne suivie et enflammée. Mais ici le résultat fut mince. La presse n’a pas d’action sur l’opinion, encore moins sur les pouvoirs.

Pour cette affaire de Bruges-Port-de-Mer, comme pour les autres affaires, tout se passa dans l’ombre, en conciliabules étroits, en audiences de fonctionnaires, en tactiques de commissions. Des ingénieurs conspiraient avec des financiers et des hommes politiques. Farazyn était l’âme de ces combinaisons. Il en tenait toutes les avenues. Une ligue fut fondée pour être un centre de propagande. On eut soin d’écarter, cette fois, tout esprit de parti. Le président était un échevin de la ville. Farazyn fut nommé secrétaire. Un vaste pétitionnement s’organisa. Les habitants, nonchalants, craintifs au surplus, signèrent tous. Ensuite, des délégations furent reçues par les différents ministres qui acquiescèrent, promirent l’intervention de l’État, une partie des millions nécessaires.

Toute la machine politique intervint, formidable appareil, aux ressorts cachés, aux courroies sans fin, aux volants irrésistibles.

Borluut sentit qu’elle allait happer la beauté de