Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/38

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et le charme de ces découvertes. Le vent, à ces hauteurs, redoubla, devint tout à coup violent et mugissant, mais avec une voix qui n’était plus que la sienne, où toute comparaison humaine cessait, la voix d’une force et d’un élément, qui n’a de pareille que la voix de la mer.

Borluut sentait qu’il approchait de la plate-forme crénelée du beffroi, où l’escalier aboutit, trouve un relais avant de gagner le sommet de la tour. C’est là, dans un angle de cette plate-forme, que se carrait la cabine du carillonneur, logis éthéré, chambre de verre, s’ouvrant par six larges baies sur l’espace. Il fallut y monter comme à l’assaut. Le vent soufflait, de plus en plus furieux, agressif, lâché tel qu’une écluse, épars en vastes nappes, en rafales traîtres, en masses croulantes, en poids précipités, puis soudain rassemblé, compact comme un mur. Borluut avançait, joyeux de la lutte, comme si le vent, le saccageant, emportant son chapeau, défaisant ses vêtements, voulait le déshabiller de la vie et le porter libre et nu dans l’air salubre du haut lieu…

Enfin il atteignit la petite demeure aérienne. Accueil de l’auberge au sortir du voyage ! Tiédeur et silence ! Borluut la reconnut ; rien n’avait été dérangé depuis le temps où il y venait visiter parfois Bavon De Vos, le vieux maître carillonneur, sans soupçonner qu’il lui succéderait un jour. Aujourd’hui tout se précisait mieux, puisque ce logis étroit était déjà le sien et qu’il allait y passer à son tour bien des