Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/39

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heures de l’avenir. Cela l’émut un peu d’y songer… Il allait y vivre au-dessus de la vie ! Et, en effet, il aperçut, par les hautes vitres, l’immense paysage, la ville gisante, tout en bas, au fond, dans un abîme. Il n’osait pas regarder… Un vertige le prendrait… Il fallait habituer ses yeux à voir du bord de l’infini, où il semblait parvenu.

Plus près de lui, il contempla le clavier du carillon, à l’ivoire jauni, les pédales, les tiges de fer articulées, montant des touches vers le battant des cloches, tout le compliqué mécanisme. En face, il découvrit une petite horloge, toute petite, et étrange d’être si petite dans l’immense tour, accomplissant son bruit d’humble vie régulière, ce battement de pouls des choses qui fait envie au cœur humain… Il était curieux de penser que la petite horloge était d’accord avec l’énorme horloge de la tour. Elle vivait tout auprès, comme une souris dans la cage d’un lion.

Or, les aiguilles du petit cadran allaient marquer onze heures. Et aussitôt, Borluut entendit une rumeur, un tumulte de nid dérangé, le bruit d’un jardin que le vent enfle quand l’orage va commencer.

Ce fut une trépidation prolongée, le prélude du carillon qui sonne automatiquement avant l’heure, actionné par un cylindre de cuivre que des trous carrés percent, ajourent comme une dentelle. Borluut, curieux du mécanisme, se précipita dans la