Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/92

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doute, et la loi de nature elle-même. Borluut se réconfortait, repris à Barbe, à sa beauté sombre, à sa bouche chère. Il s’était trop plaint d’elle. C’est la faute de Bartholomeus qui l’avait entraîné sur cette pente. D’ailleurs, le peintre s’était toujours montré hostile à Barbe. Peut-être l’avait-elle dédaigné jadis ? Qui sait s’il ne s’était pas un jour amolli et féru d’elle ? Un ressentiment l’égarait. Borluut s’irrita à présent de la façon dont il avait analysé Barbe, le fit son complice pour en médire. Il lui en voulut de la confidence faite, et qui avait été comme subtilisée. Il s’en voulut à lui-même.

Aussi, en s’en retournant vers sa demeure du Dyver, longeant les quais, devant les eaux pacifiques, Borluut sentit s’accroître le regret, le petit remords de ses ennuis divulgués, à voir les nobles cygnes, neige hermétique, qui, captifs des canaux, en proie à la pluie, à la tristesse des cloches, à l’ombre des pignons, ont la pudeur du silence et ne se plaignent, avec une voix presque humaine, que quand ils vont mourir…