Page:Rodenbach - Le Règne du silence, 1901.djvu/68

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VI

La voix de l’eau qui passe est triste et mire en elle
La moindre affliction qui l’a frôlée un peu ;
Et qui, s’y résorbant, y renaît éternelle
Mais en sourdine et comme en filaments d’adieu.
C’est d’abord la douleur des grands saules lunaires,
Écheveaux en folie où sont brouillés les fils ;
Puis c’est le songe aigri des clochers centenaires
Reflétant jusqu’au fond leurs nocturnes profils.
Or, ces clochers mirés y laissèrent leurs cloches ;
Et c’est pourquoi la voix de l’eau garde toujours
L’air des cloches qui s’y survivent et des tours.
Mais l’eau s’imprègne aussi du bruit des orgues proches,