Page:Rodin - L’Art, 1911, éd. Gsell.djvu/94

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— Je vous entends fort bien, maître, lui dis-je ; mais il me semble, — excusez-moi de hasarder cette remarque, — que vous vous mettez en contradiction avec vous-même.


— Comment cela ?


— Ne m’avez-vous pas déclaré à mainte reprise que l’artiste devait toujours copier la Nature avec la plus grande sincérité ?


— Sans doute, et je le maintiens.


— Eh bien ! quand, dans l’interprétation du mouvement, il se trouve en complet désaccord avec la photographie, qui est un témoignage mécanique irrécusable, il altère évidemment la vérité.


— Non, répondit Rodin ; c’est l’artiste qui est véridique et c’est la photographie qui est menteuse ; car dans la réalité le temps ne s’arrête pas : et si l’artiste réussit à produire l’impression d’un geste qui s’exécute en plusieurs instants, son œuvre est certes beaucoup moins conventionnelle que l’image scientifique où le temps est brusquement suspendu.