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LE CAFÉ DES ARTS.

lui remettait sous les yeux l’image de Maurice de Langey ; il se retourna involontairement pour voir si quelque fantôme ne le suivait pas.

Son bonheur le vengeait assez de l’ingratitude de Maurice, et cependant il sentait son cœur rebattre encore à ce nom ; il y a des illusions d’enfance auxquelles il est difficile de renoncer. Cependant la haine s’était déjà glissée comme un serpent au fond de son cœur.

« Pourquoi donc m’a-t-il refusé sa main ? se demanda-t-il. Ne suis-je pas à cette heure aussi élevé que lui, et croit-il descendre en m’avouant aux yeux de tous ? Veut-il donc hériter des insolens mépris de sa mère et se liguer avec elle contre ma fortune ? Ce serait un acte de lâcheté ou de folie. Ne me pardonneront-ils jamais tous deux de n’être plus leur esclave, et s’entendront-ils pour ruiner mon crédit ? Dieu m’est témoin que je pourrais perdre cette femme et faire repentir cet enfant de son imprudent orgueil ! Nous ne sommes plus à Saint-Domingue, grâce à Dieu, et les contradicteurs ne sauraient avoir gain de cause ! »

Tout en faisant jaillir les étincelles du pavé sous les pieds de son cheval, il repassa alors en lui-même les divers événemens de la journée ; un ressentiment nouveau vint confirmer ses soupçons et le faire croire à une ligue véritable organisée contre lui par Mme de Langey.

Pour la première fois peut-être Saint-Georges avait rencontré un homme assez hardi pour oser lui tenir tête un quart d’heure, et cet homme était un