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SERVANTE ET MERE.

— Et cette autre, continua la négresse, comment la nommes-tu ?

— Une opale.

— Ah ! je sais… Elle est un peu terne, elle me ressemble… L’autre jour elle brillait bien plus à ton doigt.

— Tu trouves ?

— Certainement, reprit-elle, et c’est signe de malheur quand une opale se ternit. Vois mon livre noir. Mon Dieu ! cela me fait peur !

— Et quel malheur, Noëmi, pourrait menacer un homme devant qui le sort lui-même s’humilie ? Songes-tu, Noëmi, que je puis encore monter plus haut ; que je puis retourner un jour libre et riche à Saint-Domingue ?

L’œil cave de Noëmi s’illumina d’un rayonnement de bonheur.

— Oui, à Saint-Domingue, Noëmi ; à Saint-Domingue, d’où tu partis esclave et où tu pourras rentrer maîtresse ; à Saint-Domingue, où je deviendrai à mon tour roi et seigneur !

— Et où je pourrai te nommer mon fils comme autrefois, dit-elle avec un soupir……

— Bonne Noëmi !

— Dis plutôt, Saint-Georges, malheureuse Noëmi ! Là-bas du moins lorsque tu étais enfant, je te portais sur mes bras à travers les champs de maïs ; là-bas j’avais pour moi le soleil et ton sourire ; tu m’appelais ma mère, et j’accourais la joie dans les yeux ! Lorsque le jour naissant colorait la cime de nos arbres, c’était moi qui écoutais le premier bégaiement