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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

de ta douce voix, moi qui le soir te berçais encore sur mes genoux pour t’endormir ! Ne te souvient-il plus de ces belles branches chargées d’oranges ou de mangues que je t’apportais chaque dimanche lorsque tu côtoyais les belles eaux bleues de l’Ester ! Alors pas d’étrangers ou d’importuns entre nous, tu ne me renvoyais pas, Saint-Georges ; tu ne me disais pas de me cacher ! Non, quand nous revenions tous deux, tu me laissais passer fière de toi devant les cabanes, l’horizon était alors embrasé de vapeurs rouges, et tu me le montrais du doigt en me disant : « vois donc, mère, comme le bon Dieu est beau !

« Ah ! malheureux jour, continua-t-elle, que le jour où tu m’as quittée ! malheureux jour que celui où je te retrouve sans pouvoir te dire : « Mon fils, viens dans mes bras ! »

Elle ne pleurait plus, mais au lieu de larmes il y avait dans son regard une étonnante fixité ; même après qu’elle eut parlé, ses lèvres murmurèrent des sons……

— Vous ne comptez donc pour rien, Noëmi, le bonheur d’avoir échappé à l’esclavage ? Regretteriez-vous ces horribles jours où, le teint bronzé par le soleil, vous rentriez en silence pendant que la voix aigre du commandeur roulait d’échos en échos par la savane ? Que désirez-vous ? Parlez.

— Rien que ton bonheur, répondit-elle, et de retourner un jour là-bas avec toi.

— Je vous le promets, ma mère !

— Tu as dit : « Ma mère ! » Tu as consenti à m’appeler de ce nom ! Ah ! dis-moi donc aussi que tu me