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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES

— Tu prêches fort bien, Genlis.

— Monseigneur, renverrons-nous les carrosses ?

— Oui, oui, l’abbé Beaudan ne peut tarder avec sa sainte cargaison, et nous garderons son fiacre…

— Entrons, messieurs, dit le prince à ses acolytes.

On renvoya les voitures, et l’on entra.

C’était une admirable maison que la petite maison ou plutôt l’hôtel de M. Gachard, et pourtant elle n’avait garde de montrer aux profanes ses magnificences dès le seuil.

Sa cour, véritable cour de province du troisième ordre, offrait un aspect assez triste ; elle était entourée de vieilles charmilles, ceinture fanée d’un jardin qu’éclairait alors la lune. Il n’était que trop facile de voir que son propriétaire avait le goût peu agreste, les herbes parasites croissaient partout. Cette cour eût rassuré une dévote, elle avait un parfum de componction et de pénitence.

En revanche, l’ameublement de l’hôtel était divin. C’était un palais de fée ; on n’y voyait que glaces, tapisseries, girandoles. Des portes de boudoir peintes en camaïeu, des tableaux de chasse, des Vénus de marbre, un lit superbe, qui avait plutôt l’air d’un trône, et sur lequel deux colombes se becquetaient près du Silence, le doigt levé sur ses lèvres. C’était la chambre de M. Gachard, neveu d’un maître paveur d’Amiens et fermier général à la suite de plusieurs faillites heureuses.

La salle à manger était à elle seule un poème.

Son ordonnance avait occupé trois fois plus que la