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LA PETITE MAISON D'UN FINANCIER

duite ? Je ne me souviens que d’une chose… d’une vaste salle dorée… celle de l’Opéra, je crois… où ils se promenaient tous… Deux hommes m’y ont parlé ; l’un d’eux m’a fait boire un breuvage qui a jeté je ne sais quel froid dans mes veines… Je ne connais pas ces femmes… dit-elle en les toisant avec fierté ; mais, vous êtes nobles, messieurs, je le vois à vos habits ; oh ! alors, vous allez me dire lequel de vous a voulu me ravir l’honneur !

— Nul d’entre nous, mademoiselle, dit effrontément le duc de Chartres, écrasé par le ton noble et les manières de Mlle de La Haye ; encore une fois nous ignorons comme vous par quel funeste hasard vous vous trouvez en ce lieu. Mais que pouvez-vous craindre ? vous avez un défenseur !

Les convives, troublés, venaient de se rasseoir en tumulte. Agathe examina silencieusement le domino. Il s’était placé près d’elle, la barbe satinée de son masque s’agitait comme sous le vent de sa colère, il semblait contenir en son âme des mouvemens impétueux…

« C’est Maurice ! pensa-t-elle ; il n’ose parler et m’afficher devant eux… Mais il est ici, je serai sauvée, je n’ai plus peur ! »

Ce qui la confirma dans cette idée, ce fut un pied fort mince qui pressa doucement le sien sous la table, un regard qui rencontra ses beaux yeux palpitans encore de frayeur. La main du domino, bien qu’elle fût gantée, ressemblait aussi à celle de Maurice ; pour la taille ; l’ampleur du satin en cachait sans doute l’élégance.