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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

vieil appartement, elle se trouva pourtant fort digne de la cour et de sa cousine ; elle lut des romans dans la bibliothèque de l’hôtel ; il n’y en avait pas un qui ne lui donnât l’envie de se faire des ailes ! Quelque peu spiritualistes que fussent les auteurs de ces livres, il s’en rencontra, on le sait, plusieurs enclins à admettre les êtres surnaturels, à la condition, il est vrai, qu’ils deviendraient, au dénouement, réels et palpables. Le Sylphe de Crébillon fut composé dans ce but. En le parcourant comme un ouvrage qui lui tombait sous la main par aventure, Mlle de La Haye sentit qu’il lui fallait avant tout aimer un être plus fort qu’elle. Beaucoup de femmes évitent le joug et abhorrent la domination, Agathe, au contraire, se promit de ne rechercher qu’un maître. À la belle captive, l’image d’un amant n’apparut jamais que sous la forme d’un libérateur. Dans les brises que lui apportait la Seine, elle croyait entendre sa voix ; dans les bruits de la ville mourant à ce quai, elle distinguait son pas. Pervenche solitaire, enfouie loin des regards, elle avait échappé depuis deux mois à tout ce que Paris offrait de périls, mais aussi elle n’en avait reçu aucune joie. Son clavecin, ses livres et les visites de Maurice étaient les seules distractions de son ennui. Elle n’osait proposer à ce jeune homme un parti extrême, parce qu’il lui semblait n’en pas avoir lui-même conçu la pensée, la simplicité et la droiture de Maurice ne lui faisant pas envisager dans cette liaison un autre but que celui du mariage.

Un soir qu’il passait en chaise dans ce quartier éloigné, le jeune marquis Maurice de Langey avait