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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

teau, le créole se trouvait du moins à l’aise ; il y implanta l’orgueil féodal des colonies. Le spectacle de la débauche parisienne et de la licence aristocratique l’avait bien vite, dégoûté de la capitale : sa constitution autant que sa fantaisie le portait d’ailleurs aux plaisirs doux et paisibles.

Il avait des talens, mais il les employait mal : il lui manquait la confiance dans ses forces. Loin d’être de son siècle, qui s’aventurait en toutes choses, Maurice redoutait l’éclat ; il n’eût été jaloux de réussir que pour une femme, une femme qu’il eût aimée comme il aimait en ce moment Agathe de La Haye.

L’excellence et l’élévation naturelle de son cœur ne lui avaient pas permis d’agiter encore en lui-même cette question :

Mlle Agathe de La Haye est-elle un parti ? Il se demandait avec plus de trouble et de frayeur :

— M’aime-t-elle ?

En ce moment encore, il la contemplait rayant la poussière de ce vieux parquet de son joli pied. Le menuet fini, elle quitta la main du vieux Glaiseau, et remercia Maurice.

— Ce menuet, dit-elle, vous a-t-il paru joli ?

— Assez… répondit Maurice ; quel en est l’auteur ?

— Un mulâtre, à ce que m’a dit M. Abeille…

— Un mulâtre !

Maurice tenait le cahier de musique en ses doigts, il le rejeta sur le parquet comme s’il eût été sali par son contact.

— Que faites-vous ? M. Abeille dit que c’est un