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DEUX BAPTÊMES.

Langey, après avoir fait inscrire son nom sur les registres de l’église, se dispoait à partir quand il y eut tout d’un coup un grand tumulte… Une négresse, que nul n’avait remarquée jusque-là, parut bientôt, son madras et sa jupe blanche couverts de poussière ; elle fendit la foule, et se jetant aux pieds du prêtre, elle les tint d’abord étroitement embrassés.

Le Dieu des chrétiens n’était pas le Dieu de cette femme, le prêtre la reconnut, la releva et s’écria :

— Noëmi !

La marquise allait sortir elle se sentit clouée à sa place par un pouvoir indéfinissable…

— Oui ! moi, Noëmi ! moi la négresse, moi qui baise vos pieds, monsieur le prêtre, je viens vous demander pour mon fils, que vous avez déjà sauvé une fois, ce gage sacré… qui, dites-vous, fait l’égal de tous !

Mme  de Langey recula.

— Quoi, le même jour que mon fils ! murmura-t-elle à voix basse au curé de Saint-Marc. Cette femme est mon esclave, monsieur. Cela ne se fera pas !

Noëmi n’entendit point, mais voyant que le curé hésitait :

— Monsieur, je n’ai que deux mots à vous dire…

Le curé pencha la tête et prêta l’oreille à la négresse… La confidence qu’il avait reçue et surtout l’air inspiré avec lequel Noëmi venait de la lui faire amenèrent un tressaillement léger sur ses traits ; il écarta doucement la négresse. Derrière elle se tenait son fils, qui venait de confier ses chevaux à l’auber-