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LE MAPOU

teur odorante des haies vives de la route se mêlèrent bientôt les aromates du citronnier et du bois de campêche, venant embaumer pour la nuit les appartemens dorés des cases. Au dehors, les négresses, assises en rond, chantaient d’une voix légère, ne s’interrompant que pour sucer des cannes à sucre, des bananes mûres ou quelque salaison dérobée. Le monbin, le cirouellier, le tamarinier et le pommier rose formaient, du haut de cette terrasse, un assemblage de panaches divers sur le terrain ; le rouge de la pomme d’acajou et le vert sombre du corrossol s’y confondaient avec le jaune terreux de la sapotille et le vert glauque du cachiment. Les arbres de haute stature s’y partageaient le sol en géans et jetaient leur ombre jusqu’aux ajoupas, près desquels dormaient les gazelles.

Mme  de Langey aspirait avec bonheur ces suaves parfums du soir pendant que les quadruples et les piastres tintaient bruyamment sur les tapis de ses tables de jeu et que cette ancienne demeure, fermée depuis longues années à toute réception étrangère, s’illuminait ainsi comme par magie. La marquise, loin de ce cercle affairé, interrogeait Finette sur les événemens de la journée. Le babil de la jolie mulâtresse paraissait sans doute une musique agréable à ses oreilles, car elle avait passé sa main royale autour de son cou et prenait plaisir à dérouler doucement ses cheveux de jais à demi contenus par le madras.

— Tu écoutais ce soir les récits de M. Printemps, Finette ?