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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

tion, rêveuse, contemplative, elle se livra d’abord à une joie d’enfant en examinant les dorures de son costume, ses joues luisantes, ses yeux plus vifs au feu de ces mille lumières. La négresse n’eût pas aspiré avec plus de charme, pendant la chaleur, la brise rafraîchissante du cocotier que le frémissement léger du pas de Saint-Georges sur ces nattes : sa surveillance ne le quittait pas.

Son grand désespoir, c’était qu’il ne la vît, qu’il ne se troublât et qu’il ne brisât dans son service quelque flacon dès qu’il l’aurait vue. L’envie de quitter cet appui de fenêtre la tourmentait ; elle l’abandonnait un instant, puis y revenait bien vite. L’abeille, pompant le suc de sa ruche, l’aile émue et frémissante, éprouve moins de bonheur que n’en éprouvait Noëmi à se délecter des mouvemens de son fils. En le comparant à Maurice, énervé dès son jeune âge, elle ressentait en elle mille aiguillons secrets d’orgueil, les mères de cette couleur puisant toute leur sécurité en l’avenir dans la conformation physique de l’objet de leur tendresse.

Quand Saint-Georges, pour obéir à Mme  de Langey, s’en vint fermer la fenêtre, Noëmi avait disparu ; il ne la vit pas s’enfuir en faisant sur sa poitrine un signe de croix…

Mme  de Langey, placée entre M. d’Esparbac et M. de Bongars, n’avait pas admis de femmes à ce souper. Les hommes qui l’entouraient murmuraient en vain autour d’elle mille complimens appris par cœur ; en vain ne manquait-il même à certains d’entre eux ni esprit ni belles manières, Mme  de Langey gardait vis-à-vis de