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TIO-BLAS.

cacher, c’était moins la crainte de M. de Langey qui vous guidait que celle de voir tomber votre masque à terre, ce masque sous lequel vous rêviez l’or, non l’amour, masque de courtisane que je ne soulève qu’aujourd’hui ! »

La marquise fit un mouvement, il reprit :

« Ma crédulité ne devait sonder aucune de ces précautions, je m’y soumis. Il m’arrivait parfois de vous attendre chez vous des heures entières ; je m’asseyais à la place où j’avais causé avec vous la veille ; puis je la quittais en sursaut dès que retentissait le galop de votre cheval ; je soulevais alors le store pour vous voir. Vous rentriez suivie de vingt cavaliers dans votre salon ; vous ne me regardiez pas ; mais aussi, quand venait le soir, je pouvais me glisser, sans être vu, dans votre boudoir… Un soir j’y entrai pâle et défait, des lettres alarmantes m’arrivaient de San-Yago, des lettres qui m’annonçaient le malheur et la ruine. Je ne vous laissai rien voir de mes craintes, moi, votre amant : j’affectai un air délibéré en vous faisant mes adieux ; ce départ, ces tristes lettres infiltraient pourtant l’agonie au fond de mon cœur.

« Vous m’aviez juré ce que jurent ordinairement les femmes : votre amour, disiez-vous, se trouvait assez fort pour survivre à tout obstacle ; en remplissant votre cœur, mon image n’y laissait point de place pour d’autre image. Je ne doutai point de votre sincérité, je pensai verser des larmes quand vous m’offrîtes de reprendre ce collier que j’avais eu l’orgueil et la joie de vous prêter le jour du bal. Je sentais mon courage s’affaiblir en demeurant plus long-