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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

nâtes près de vous pour me calmer, en m’appelant des noms les plus tendres.

« — Oh ! si tu pouvais lire au fond de mon cœur, toi qui m’accuses ! disiez-vous au milieu de nos doux embrassemens ; si tu pouvais connaître mon désir ardent de m’éloigner avec toi, de devenir libre ! Le suis-je, enchaînée à lui par une union qui me pèse ? N’est-ce pas lui qui m’a achetée ? ne suis-je pas son esclave ? Hélas ! la pauvre fille de Dunkos que l’on vend au marché, un carcan de fer au cou, n’est pas plus à plaindre que moi ! Que ne m’est-il donné de te suivre dans ces déserts que l’industrie espagnole a transformés en villes florissantes ! Tio-Blas ! que ton peuple me semble grand ! Insatiable de richesses, il a frappé cette terre du pied, et sur cette terre a germé l’or. Raconte-moi, je te prie, les voyages de ce Christophe que Ferdinand et Isabelle d’Espagne nommèrent l’amiral de l’Océan, l’histoire du grain merveilleux de la rivière d’Hayna[1], que Bodavilla

  1. « Un jour que les esclaves indiens déjeunaient sur le bord de la rivière Hayna, une femme s’étant avisée de frapper la terre du bâton qu’elle avait à la main, elle ressentit quelque chose de dur ; elle regarda et vit que c’était de l’or. Elle le découvrit entièrement, et surprise de la grosseur de ce grain, elle jeta un cri qui fit accourir François de Goray, lequel n’était pas fort loin.

    « Il ne fut pas moins surpris que ne l’avait été l’Indienne, et dans le transport de sa joie, il fit tuer un porc et le fit servir à ses amis sur ce grain, assez grand pour tenir la bête tout entière ; et il leur dit qu’il pouvait bien se vanter que les rois catholiques n’étaient pas servis en vaisselle plus riche que lui. « Bodavilla acheta ce grain pour Leurs Altesses : il pesait