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FÊTE À LA COLONIE.

Ce cri poussé par Mme  de Langey roula comme la foudre par l’Artibonite.

Le mulâtre jeta son masque.

— Créoles de Saint-Domingue, s’écria-t-il, c’est moi ! Hommes blancs, apprenez que vous avez été vaincus par un homme de couleur !…

— Voilà pour la canaille, reprit-il en lançant à travers la foule les pièces de monnaie qu’il puisa dans ses poches.

Quand il eut contemplé une seconde avec une orgueilleuse assurance la marquise de Langey :

— Adieu, maintenant, reprit-il, ma belle créole.

Transportée de fureur, elle détacha son fouet de sa ceinture, le leva sur lui et lui en coupa le visage…

Le jeune homme se contenta d’essuyer avec sa manche le sang qui coulait, et remontant sur son cheval, au milieu de la stupeur générale, il franchit cette haie de spectateurs dont nul ne songea à l’arrêter…

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La nuit de cette fête, le brick l’Yorick, faisant voile pour Bordeaux, reçut à son bord un passager du nom de Saint-Georges. Il paya son passage en monnaie d’Espagne, et quand le navire partit, les matelots purent le voir s’agenouiller du côté de l’ouest avec une larme…

En même temps il sembla au contre-maître que le mulâtre ainsi à genoux du côté de la proue tournée vers l’Ile murmurait ce nom :

— Noëmi !

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