Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/153

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le trouveras pas mauvais pour passer la nuit avec toi.

Areusa. Sur ma vie, mère, qu’il n’en soit pas ainsi ! Jésus ! ne me le demande pas.

Parmeno. Ma mère, pour l’amour de Dieu, que je ne sorte pas d’ici sans bon résultat ; sa vue me fait mourir d’amour ; offre-lui tout ce que mon père t’a laissé pour moi, dis-lui que tu lui donneras tout ce que j’ai. Va, dis-lui, il me semble qu’elle ne veut pas me regarder.

Areusa. Que te dit ce cavalier à l’oreille ? Pense-t-il que je veuille rien faire de ce que tu demandes ?

Célestine. Il dit, ma fille, qu’il se fait une grande joie de ton amitié, parce que tu es une personne honorable, et que tu ne refuseras pas un cadeau, quel qu’il soit. Viens ici, négligent, honteux, je veux voir à quoi tu es bon avant de m’en aller ; allons, chatouille-la dans son lit.

Areusa. Il ne sera pas assez impoli pour venir sans permission dans un lieu défendu.

Célestine. Te voilà dans les politesses et les permissions ? Je n’attends pas plus longtemps ici ; j’ai confiance que tu arriveras au matin sans douleur et lui sans couleur ; c’est un paillard, un jeune coq, voilà la barbe qui lui pousse, et je réponds qu’en trois nuits la crête ne lui tombera pas. Dans mon jeune temps et quand mes dents étaient meilleures, les médecins de mon pays me donnaient de cela à manger.

Areusa. Ah ! seigneur, ne me traitez pas de la sorte, modérez-vous, par courtoisie, ayez égard aux cheveux blancs de cette honorable vieille. Éloignez-vous, je ne suis pas de celles que vous pensez ; je ne suis pas de celles qui vendent publiquement leur corps pour de l’argent. Sur mon âme, je sors d’ici, si vous touchez à ma couverture avant que Célestine soit partie.

Célestine. Qu’est-ce que ceci, Areusa ? Que signifie cet étrange caprice ? Que veulent dire ces nouvelles manières et ce dédain affecté ? Il semble, fille, que je ne sache pas ce que c’est, que je n’aie jamais vu un homme et une femme ensemble, que je n’aie jamais