Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/193

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Calixte. Ô joyau du monde ! secours de mes passions ! miroir de ma vue ! Mon cœur se réjouit en ton honorable présence, à la vue de ta noble vieillesse. Dis-moi, qui t’amène ? Quelle nouvelle apportes-tu ? Je te vois toute joyeuse, et je ne sais où est ma vie.

Célestine. Sur ma langue.

Calixte. Que dis-tu, ma gloire et mon repos ? Explique-moi clairement ce que tu dis.

Calixte. Sortons de l’église, seigneur, et d’ici à votre maison je vous conterai quelque chose qui vous réjouira, j’en suis certaine.

Parmeno, à part. La vieille vient bien à l’aise, frère, elle doit avoir recueilli quelque chose.

Sempronio. Écoute.

Célestine. Aujourd’hui, tout le jour, seigneur, je me suis occupée de votre affaire et j’ai laissé s’en perdre d’autres qui me suffisaient. Je mécontente bien des gens pour vous satisfaire, j’ai plus négligé de bénéfices que vous ne pensez ; mais tout cela est un bien, puisque j’apporte un si bon résultat. Écoutez-moi, peu de mots me suffiront, je suis chiche de paroles. Je mets Mélibée à votre disposition.

Calixte. Qu’entends-je !

Célestine. Qu’elle est plus à vous qu’à elle-même ; elle est plus à vos ordres et à votre volonté qu’à ceux de Plebère, son père.

Calixte. Parle sérieusement, bonne vieille ; ne dis pas de pareilles choses, ces garçons te traiteraient de folle. Mélibée est ma dame, Mélibée est mon désir, Mélibée est ma vie, je suis son captif, son esclave.

Sempronio. Seigneur, le peu de confiance que vous avez en vous-même, le peu de cas que vous faites de vous, le peu d’estime que vous vous portez, vous font dire des choses qui nuisent à votre raison. Vous ennuyez tout le monde en divaguant de la sorte. De quoi vous étonnez-vous ? Donnez-lui quelque chose