Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/200

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vous tous deux ; nous pourrons marcher ainsi en toute sûreté, car on dit : « Homme averti et disposé en vaut deux. »

Parmeno. Les voici, seigneur.

Calixte. Aide-moi à m’armer. Toi, Sempronio, regarde si quelqu’un paraît dans la rue.

Sempronio. Seigneur, il ne paraît personne, et lors même qu’il y aurait quelqu’un, la grande obscurité empêcherait que nous ne fussions vus ou reconnus.

Calixte. Alors suivons cette rue ; lors même que cela nous ferait faire quelques détours, nous n’en serons que mieux cachés. Minuit sonne : c’est une bonne heure.

Parmeno. Nous voici tout près.

Calixte. Nous arrivons à temps ; dispose-toi, Parmeno, à aller voir si cette dame est derrière la porte.

Parmeno. Moi, seigneur ? Dieu ne le permette pas, ce serait détruire tout ce qui a été fait. Il vaut mieux que ce soit vous qu’elle rencontre le premier ; il se pourrait qu’en me voyant elle se fâchât de voir qu’il y a plusieurs personnes dans la confidence d’une chose qu’elle voulait faire si secrètement, et dont elle redoute tant les conséquences. Peut-être même penserait-elle que vous vous moquez d’elle.

Calixte. Oh ! que tu as bien dit ! tu m’as donné la vie avec un conseil aussi sensé. Si par malheur elle rentrait chez elle sans me voir, il n’en faudrait pas davantage pour me porter mort au logis. J’y vais seul ; vous autres, restez ici.

Parmeno. Qu’en penses-tu, Sempronio ? Notre imbécile de maître croyait-il donc me prendre pour bouclier et m’envoyer au-devant du premier danger ? Sais-je, moi, qui est là derrière cette porte ? Sais-je s’il n’y a pas là quelque trahison ? Sais-je si Mélibée n’a pas l’intention de punir notre maître de son audace ? Sommes-nous sûrs que la vieille ait dit la