Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/221

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Sosie. Ils étaient déjà sans connaissance ; mais l’un d’eux, s’apercevant que je le regardais en pleurant, souleva les yeux vers moi, portant les mains vers le ciel, comme s’il eût voulu remercier Dieu et me demander si j’éprouvais de la peine de sa mort. Puis, en signe de triste adieu, il baissa la tête en versant des larmes, comme pour me dire qu’il ne me verrait plus qu’au jour du grand jugement.

Tristan. Tu n’auras pas bien compris. Calixte te questionnerait s’il était là. Mais à ce que tu dis, je ne puis plus douter de cette douloureuse nouvelle. Allons bien vite en informer notre maître.


Sosie. Seigneur, seigneur !

Calixte. Qu’est-ce que cela, fous ? Ne vous ai-je pas ordonné de ne pas me réveiller !

Sosie. Réveillez-vous et levez-vous, car si vous ne vous occupez pas de vos gens, un grand malheur vous menace. Sempronio et Parmeno viennent d’être décapités sur la place comme malfaiteurs, avec des écriteaux qui expliquent leur délit.

Calixte. Oh ! Dieu me soit en aide ! Que me dites-vous ? Je ne puis croire une nouvelle aussi triste et aussi imprévue. Les as-tu vus ?

Sosie. Je les ai vus.

Calixte. Prends garde, fais attention à ce que tu dis ; ils étaient avec moi cette nuit.

Sosie. Et ils se sont levés de bonne heure pour mourir…

Calixte. Ô mes fidèles serviteurs, mes fidèles confidents et conseillers ! Un tel fait peut-il être vrai ? Ô malheureux Calixte ! Tu restes déshonoré pour toute ta vie. Que deviendras-tu, morts deux semblables serviteurs ? Dis-moi, Sosie, au nom de Dieu ! quelle a pu en être la cause ? Que disait l’écriteau ? Où les a-t-on tués ? Quel juge l’a ordonné ?

Sosie. Seigneur, le bourreau publiait à haute voix