Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/248

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de temps pour parler ; je voulais te demander si Sosie était venu.

Areusa. Il n’est pas venu ; nous causerons après. Quels coups on frappe ! Je vais ouvrir ; c’est un fou ou un habitué. Qui est là ?

Sosie. Ouvrez-moi, madame, je suis Sosie, serviteur de Calixte.

Areusa. Par les saints du paradis, quand on parle du loup… Cache-toi, sœur, derrière ce paravent119, et tu verras comme je vais te le gonfler de vent et de flatteries, de telle manière qu’il puisse penser en me quittant qu’il est bien lui et non un autre. Je vais lui arracher du jabot, avec mes caresses, ses affaires et celles des autres, comme il ôte la poussière de ses chevaux avec son étrille…

Est-ce bien mon Sosie, mon secret ami, celui que j’aime tant sans qu’il le sache, celui que sa bonne réputation me donne le désir de connaître, cet homme si attaché à ses compagnons, si fidèle à son maître ? Je veux t’embrasser, mon amour, et maintenant que je te vois, je crois qu’il y a en toi plus de qualités qu’on ne me disait. Viens, entrons nous asseoir ; je suis heureuse de te voir, tu as quelque chose du pauvre Parmeno. C’est aujourd’hui un jour de bonheur puisque tu viens me visiter. Dis-moi, ami, me connaissais-tu déjà ?

Sosie. Madame, ta réputation de gentillesse, de grâces et de savoir est si haute en cette ville que tu ne dois pas être surprise d’être plus connue de moi que tu ne me connais. On ne peut parler d’une belle femme sans se souvenir de toi avant toutes celles qui sont belles.

Élicie, à part. Oh ! le pauvre fils de putain, comme il se déniaise ! Quel changement pour qui l’a vu mener boire ses chevaux, perché sur leur dos et les jambes écartées, vêtu d’une mauvaise casaque ! Maintenant que le voilà avec des chausses et une cape, les plumes et la langue lui viennent.