Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/260

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vienne mon doux seigneur ; chante bien bas au milieu de ces feuillages, afin de ne pas attirer l’attention des passants.

Lucrèce.

Heureuse toi qui cultives
Toutes ces brillantes fleurs,
Et qui le matin les cueilles
Pour en orner tes amours.

Parez-vous de vos couleurs,
Beaux œillets de ce jardin ;
Répandez tous vos parfums,
Le bien-aimé va venir.

Mélibée. Oh ! combien il m’est doux de t’entendre ! je ne me sens pas de joie ; ne t’arrête pas, par amour pour moi.

Lucrèce.

Joyeux est l’homme altéré
Qui rencontre une fontaine ;
Plus joyeuse est Mélibée
Quand Calixte vient la voir.

Lorsque la nuit tend ses voiles,
Son bonheur est d’être à lui.
De le presser sur son cœur
Quand il descend auprès d’elle !

Le loup saute d’allégresse
Quand il trouve les moutons,
Les agneaux quand vient leur mère,
Mélibée quand vient Calixte.

Jamais de celle qu’il aime
Fut amant plus désiré ;
Ni jardin plus visité ;
Jamais nuit plus fortunée.

Mélibée. Tout ce que tu me dis, amie Lucrèce, je me le représente devant moi, il me semble que je vois tout de mes yeux. Continue, car tu chantes bien ; je vais chanter avec toi.