Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/530

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lettre m’a fait plus de bien encore que tout ce que j’ai pu prendre avec les soins du pauvre frère, qui n’est pas parti faute de place à la diligence, et puis par rèavis. Je t’avoue que j’ai eu un moment d’accablement tel, que j’ai désiré partir le plus-tôt possible ; cependant les affaires me balançaient, mais s’il y avait eu place pour mardi, je laissais tout là et je courais t’embrasser, quitte à revenir huit jours plus tard. Enfin je n’ai pas été contente que l’époque de mon départ ne fût au moins fixée, et j’ai fait arrêter deux places pour vendredi. Quoi qu’il arrive ou puisse arriver, je m’en vais : c’est une maladie que ce besoin de retourner près de toi, de mon enfant, dans ma maison ; elle en ferait naître une très grave, si je ne volais au remède. Cela terminé, j’ai reçu de Crespy une lettre qui me désole et qui m’a fait balancer un instant ; mais je ne saurais retarder de te voir, tu l’emportes, et j’écrirai au pauvre affligé dont je voudrais pourtant bien recevoir les embrassements. J’espère être demain en état de faire le voyage de Versailles. M. Rousseau m’écrit que tu feras bien d’écrire à M. de Mt [Montaran] sur le gain de son procès ; qu’il ne paraîtra pas étonnant que tu n’aies pas été instruit promptement, et qu’assurément M. de Mt [Montaran] sera sensible aux témoignages de tes sentiments à cet égard. Il a fait des démarches, cet honnête M. Rss. [Rousseau], chez M. de V. de Gll. [Vin de Gallande], auprès du secrétaire, pour la fixation plus haute de tes appointements ; je lui fais savoir l’assurance que m’a donnée M. Tol. [Tolozan] et ma confiance, dont ses procédés me font une loi, à lui abandonner le soin de nos intérêts.

Tu t’es un peu dépêché, par événement, d’écrire à M. Villard, si tu lui as désigné le lieu de sa première destination. Eh vraiment ! tu as donc oublié le petit lutin qui faisait ici arrêter les commissions et changer les affaires ? En vérité, j’éprouvais hier qu’en affaire, singulièrement, l’appétit vient en mangeant ; j’avais plus d’activité, même d’espoir que jamais pour obtenir les Lettres ; mais tu sais que l’esprit de Montaigne avait aussi la colique quand son ventre la ressentait ; je suis au même point et je n’ai plus faim que de mon logis. Nous reparlerons de Panck[oucke], qu’au bout du compte je ne crois pas non