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plus si serré. Si j’avais du temps de reste, je verrais Pasquier, ce que je ne ferai pourtant pas, car je ne sais même plus si j’aurai le courage de dire adieu au chanoine, que je n’ai été voir qu’une seule fois et qui m’attend tous les jours.

Je laisse au frère de jaser à son tour ; je vais croiser mes bras et rappeler mes forces. Ménage-toi bien ; adieu, mon cher et tendre ami ; je t’embrasse de tout mon cœur. Bonne est maintenant si occupée de sa maîtresse qu’elle ne songe plus à Eudora qu’à demi. Cher petit enfant ! Joue-le bien ; tu ne lui as pas laissé oublier le nom de maman, n’est-ce pas ? Adieu, mon ami.

S’il était possible que nous allassions à Crespy les fêtes de la Pentecôte, que le frère nous envoyât une voiture à Montdidier le lundi ou le mardi, c’est ce que nous aviserions. Mais, malgré l’extrême envie de le consoler dans le surcroît de chagrin que va lui donner notre éloignement, je ne ferai rien au monde qui pût retarder le moment où je compte t’embrasser.


P.-S. de Lanthenas :

Eh bien ! mon ami, la chère sœur vous a conté derrière[1] son histoire à peu près telle qu’elle est. Elle ne vous a cependant pas parlé du médecin. Elle en a vu un cependant hier au soir, mais c’est plutôt pour ma tranquillité qu’il est venu que pour le besoin réel ou la sienne. Tout était passé, il ne restait qu’un peu de fatigue, et il a jugé, comme nous l’avions pensé, que cette irritation d’entrailles tenait à la fatigue et à l’agitation que la chère sœur a éprouvées ces derniers jours-ci surtout. Le repos un ou deux jours, les mucilagineux, farineux en boisson ou nourriture, un peu de limonade cuite, quelques remèdes émollients, c’est tout ce qu’il a conseillé ; et il a fini par me tranquilliser absolument, si j’eusse conservé encore des craintes que m’avaient inspirées les douleurs du matin. — Je viens de vous quitter un moment, je suis descendu[2] pour lui persuader de ne pas aller aujourd’hui à Versailles, comme elle en avait pris hier la résolution. Tout a été inutile, même l’autorité doctorale, la vôtre et les prières du frère. Je juge, par le-bien où elle se trouve,

  1. Lanthenas écrit sur la quatrième page de la lettre.
  2. Il Habitait à l’étage au-dessus.