Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/799

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il est étonnant qu’elle se permette de juger si lestement de la vocation d’un jeune homme, et de ce qu’il doit déterminer d’après ses facultés, sa situation, celles de ses parents, leurs volontés et leurs démarches ; qu’elle prenne garde qu’un jour son Auguste ne lui fasse couler autant de larmes que notre jeune homme en fait verser à ses parents, et quelle juge de ce qu’elle penserait d’une personne qui approuverait son fils dans une résolution contradictoire à tout ce qu’elle aurait fait, prémédité, concerté, disposé en sa faveur durant dix-sept ans.

Le monde est plein de ces gens superficiels, parlant sans savoir et jugeant sans examiner ; mais une mère, une femme d’esprit, doit-elle les imiter lorsqu’il est question d’enfant, et faut-il que j’aie l’humiliation de penser que celle que j’appelais mon amie leur ressemble ?

En vérité, mon bon ami, tout ce qui est commerce altère l’âme par quelque coin, et il est bien difficile que le titre de marchand ne nuise à quelque autre[1].

Nous n’avons encore parlé de rien avec le frère ; je ne sais trop comme cela se fait, mais je ne suis guère en train, et, si cela continue, Jean s’en ira comme il est venu. Peut-être qu’autant vaut, car, à moins que le cœur ne s’ouvre comme de lui-même de part et d’autre, il est aussi bon de s’en tenir aux généralités[2].

La neige est venue ; il y a déjà du jardinage sous la voûte, mais elle n’est point encore entièrement couverte. Chalon[3] n’a paru qu’hier ; les pionniers vont leur train. Mon ami, ne te refroidis pas pour ces bonnes gens ; je t’assure qu’ils te procureront encore plus de vraies jouissances que tous les académiciens du monde. Je regarde la gloriole

  1. On retrouve, dans toute la correspondance de Roland et de sa femme, dans tous leurs écrits, l’antipathie contre le marchand opposé au fabricant. C’est une doctrine économique discutable, mais non un préjugé social.
  2. Voir la lettre du 18 septembre 1787.

    Le chanoine s’était enfin décidé à céder la jouissance du Clos à son frère. — Voir ms. 9533, fol. 125, une pièce d’où il résulte que, depuis la Saint-Martin de 1787 (11 novembre) jusqu’en décembre 1791, Roland à administré le domaîne.

  3. Chalon, — inconnu.