Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1037

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

publique ne la force pas de se hâter et de céder la place à une nouvelle législature.

Vous avez appris nos troubles ; la fermentation est plutôt suspendue qu’éteinte, mais nous avons autant à espérer de l’impéritie et de la division de nos ennemis que de notre courage et de notre intelligence : les princes ne sont que des étourdis et les mécontents des furieux, sans quoi l’étendard de la guerre civile serait levé par tout le royaume. Je dois à votre province de dire que, si elle a été l’un des foyers de conspiration, elle a aussi fait preuve de dévouement pour notre salut ; un député de votre Société de Clermont[1] est venu porter à la nôtre le témoignage du zèle fraternel avec lequel huit cents gardes nationales étaient prêtes à partir pour voler sous nos murs ; ainsi l’alliance particulière du Puy-de-Dôme avec nous a été bien confirmée de la manière la plus touchante.

Nos prisonniers conspirateurs[2] sont encore à Pierre-Seize, malgré le décret de leur translation que le pouvoir exécutif ne se presse pas d’exécuter ; cette lenteur a quelque chose de suspect, et notre ami doit opiner à cette heure pour qu’il en soit écrit à l’Assemblée nationale[3]. Les affaires particulières de cette ville surchargent ses officiers ; notre ami est à la tête du comité des finances et aux trousses d’un impertinent trésorier[4] qui demande six mois pour rendre ses comptes. Il n’a pas un moment à lui, je ne le vois qu’aux heures des repas, et j’aperçois, non sans quelque regret, que tout le bien qu’il pourrait faire est quelquefois entravé par une foule de détails qui absorbent

  1. Patriote français du 25 décembre 1790 : « Lyon, 20 décembre. Hier furent admins dans l’assemblée [des Amis de la Constitution, de Lyon] deux membres, l’un de la Société des Amis de la Constitution de Clermont-Ferrand, l’autre de celle d’Issoire… Ils venaient nous offrir leur vie, leurs fortunes et leur sang, pour nous préserver du malheur d’une contre-révolution, etc… »
  2. Guillin de Pougelon et ses complices, d’Escars et Terrasse, d’abord incarcérés à Pierre-Seize, furent transférés à Paris, à l’Abbaye, par un décret de l’Assemblée du 18 décembre, mais ne partirent que dans les premiers jours de janvier 1791 (Tuetey, I, 1513 et suiv.). — L’amnistie du 15 septembre 1791, qui accompagna la promulgation de la Constitution, leur rendit la liberté.
  3. Le transfert des prisonniers avait été retardé par prudence. On craignait qu’ils ne fussent enlevés en route (Wahl, 284).
  4. Alexis-Antoine Regny, « trésorier et receveur général des deniers communs, dons et octrois de la ville et communauté de Lyon, écuyer ». (Alm. de Lyon, de 1789.) — La nouvelle organisation municipale supprimait son emploi. Mais il fallait qu’il rendît ses comptes.