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ANNÉE 1781

tes Lettres d’Italie[1], et ce qu’on a laissé échapper à ce sujet ne me parait pas sans conséquence ; je ne sais par quelle voie il se serait répandu des exemplaires de ces lettres, mais je crois évident qu’il en est sorti quelques-uns ; on m’a demandé pourquoi cet ouvrage n’était pas encore publié, on s’est étonné qu’il ne parût pas encore, on a témoigné de l’impatience et l’on a dit assez clairement, ou du moins il m’a paru résulter des expressions que l’on employait, que si tu tardais beaucoup encore à les publier, tu pourrais bien te trouver prévenu par quelques gens expéditifs dont la contrefaction te préparerait un mécompte fort désagréable à tous égards. J’ai été frappée de ceci parce que je sens mieux que personne les raisons de regretter un pareil événement. Je n’ai rien appris de plus positif, mais j’ai trouvé qu’il y en avait assez pour me hâter de t’avertir, afin que tu fasses ce que tu jugeras être le plus convenable.

L’Anglais[2] est disposé à contribuer de tout son pouvoir à l’étude que je me propose de faire de sa langue ; nous devons nous en occuper les soirs, temps auquel il vient ordinairement dans cette maison. J’observais aujourd’hui à l’une de ces demoiselles quelles étaient mes intentions sur l’emploi de son temps en ma faveur et l’espérance que j’avais qu’elles me donneraient le moyen de le reconnaître avec le ménagement et l’honnêteté dus à un homme de mérite qui n’était point fait pour enseigner au même titre que tant d’autres ; on m’a répondu à ce sujet d’une manière qui ne me satisfait pas entièrement, mais enfin je trouverai bien quelque moyen ; j’ai parlé aussi de l’heure, que je jugeais être celle de la société pour ces dames, plutôt que celle de l’étude pour moi ; on m’a dit que l’Anglais n’avait plus que celle-là dont il pût disposer. Je ferai de mon mieux, je travaillerai beaucoup seule le matin dans mon appartement, qui est à mon regret celui de l’aînée dont le déplacement me fâche beaucoup, et je tâcherai de ne point perdre de temps.

  1. L’impression des Lettres d’Italie se faisait à Dieppe, chez l’imprimeur Dubuc, par les soins des frères Cousin, mais à travers mille traverses. – Voir Appendice D.
  2. Il ressort de cette lettre que « l’Anglais » est M. Justamont.