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Mais certainement vous feriez plus que me fâcher, vous m’affligeriez profondément si vous ne veniez pas ; ce serait être pis qu’injuste.

J’en aurais beaucoup à vous dire ; je me réserve à vous l’exprimer de vive voix en vous embrassant comme mon second fils.

Il me semble que vous ne vous rappelez pas que je vous ai témoigné, il y a plusieurs jours, avoir quelque espérance d’être accompagnée à mon départ par Mme  Grdch.


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À MONSIEUR, MONSIEUR LOUIS BOSC[1].
Samedi, à 2 heures [3 septembre 1791, — de Paris].

J’arrive de votre bureau et de votre logement, le tout en vain ; j’étais fatiguée des préparatifs et j’avais peu de temps, mais j’aurais tout fait pour ne pas emporter avec moi la douleur de laisser un ami dans les dispositions où vous êtes. Quelque raison que les apparences puissent vous donner, vous ne devriez pas m’éviter, et il est cruel de s’en rapporter à soi-même sur les torts que l’on croit trouver à ses amis ; encore faut-il les entendre, c’est une justice que la loi même ne refuse pas à des coupables.

Il est très vrai que la présence d’étrangers pourrait me gêner ; mais enfin, lorsque je vais m’éloigner, pour longtemps peut-être, vous ne pouvez me laisser partir sans vous revoir.

Je vous dois la connaissance de Mme  G. C’est ce que vous m’aviez dit d’elle, et réciproquement les témoignages que vous lui aviez rendus de moi, qui nous ont disposées à nous voir d’abord avec une sorte de confiance. Sa situation a dû ajouter à l’intérêt avec lequel je la voyais ; assurément, je n’aurais pas autant précipité la liaison si Mme  G. m’eût paru heureuse. De son côté, ayant quelque sujet de juger votre sexe avec rigueur, elle a été plus sensible à la rencontre d’une femme qui

  1. Collection Alfred Morrison.