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fortement, dit Madame Roland (lettre 470) — à Bancal des Issarts. Mais Bancal, qui manquait toujours l’occasion, avait quitté Paris depuis quelques jours. Le ministère de la Justice resta d’abord vacant et Roland en fit l’intérim jusqu’au 13 avril, jour où on y porta Duranthon, procureur général-syndic de la Gironde, proposé par Vergniaud.


III

LE PREMIER. MINISTÈRE (23 MARS-13 JUIN).

Un des premiers soucis du ministère fut l’attitude de l’extrême-gauche du parti patriote ; Collot d’Herbois, dont on avait parlé pour l’Intérieur, était déçu et hostile, et il avait de l’influence aux Jacobins ; mais surtout Robespierre, déjà séparé de Brissot et de ses amis sur la question de la guerre, défiant d’un ministère où il n’avait aucun des siens, était à conquérir ou à désarmer. Madame Roland s’y empresse ; dès le 27 mars, lendemain du jour où il s’était heurté contre Guadet à la tribune des Jacobins (Aulard, III, 452), elle lui écrit une lettre pleine d’avances flatteuses (lettre 472) ; elle a une entrevue avec lui (lettre 479), mais en pure perte, et, une fois la guerre déclarée (20 avril), au moment où la scission entre Brissot et Guadet d’une part, Robespierre de l’autre, est complète et irrémédiable (séance des Jacobins du 25 avril, Aulard, III, 524-536), elle adresse à ce dernier une lettre de rupture définitive (lettre 480, du 25 avril). En même temps, ses amis font feu : Lanthenas, dans une lettre du 27 avril (ms. 9534, fol. : 277-279), prend énergiquement parti pour Guadet contre Robespierre, qu’il accuse de « perdre la liberté » ; Brissot, dans le Patriote du 28, attaque Collot d’Herbois et Robespierre avec une amère violence. De ce côté-là, le ministère Roland n’aura plus rien à espérer.

Six semaines s’écoulent de même en tâtonnements du côté de la cour. Au début, Roland et surtout Clavière se sentaient à demi gagnés par la franchise apparente du Roi (voir Mémoires, I, 70, 949, et Ét. Dumont, Souvenirs sur Mirabeau, 405-406) ; mais Madame Roland affirme n’avoir pas eu un instant confiance. Au fond, les deux ministres du 23 mars étaient encore en minorité dans le Conseil ; de Grave (ministre du 10) restait acquis à la cour ; Lacoste (ministre du 15) semblait peu sûr ; Dumouriez se réservait. Le choix du ministre de la Justice, encore en suspens, aurait pu faire pencher la balance ; Roland aurait voulu Bancal des Issarts, et Madame Roland le lui avait