Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1366

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gnant les pauvres et goûtant la vie simple avec un cœur qui devait l’être sans doute.

Quant à Coquéau[1], je le connais peu ; il fut, je ne sais par qui, donné à R[oland] pour servir à L[anthenas] d’un second dont il ne pouvait se passer ; je ne le voyais guère, et sa loquacité m’était insupportable, quand, par hasard, je l’entretenais. Je ne pouvais soupçonner qu’il se vantât de traiter d’affaires avec moi ; il n’avait aucune raison pour cela, et ce que vous m’en apprenez m’est tout neuf ; je ne lui ai pas parlé quatre fois. Comme bien des personnes m’envoyaient des demandes de logement au Louvre, je faisais, purement et simplement, passer ces demandes à Coq[uéau] dans le département de qui se trouvait cette partie, et je répondais aux intéressés qu’ils pouvaient voir ou le ministre ou le commis chargé de ces objets, dont je ne me mêlais pas plus que des autres.

  1. Claude-Philibert Coqueau (1755-1794) était né à Dijon et y avait fait des études au collège des Godrans, où il avait dû être condisciple de Bosc. Venu à Paris en 1778, architecte de talent, musicien passionné (Biogr. Rabbe), employé dans les bureaux de voirie de la ville de Paris, il figure en 1790 sur la liste des Jacobins. (Voir Aulard, I, xliii, et Table, Cg. Aulard, ibid, I, 276, et Tourneux, 5341 et 6733.) En 1792, il entra dans les bureaux de Roland, comme commis de Lanthenas, nommé chef de la 3e division. Il avait alors pour locataire Masuyer, député de Saône-et-Loire à la Législative et à la Convention. En juin 1793, Coqueau alla demeurer rue Saint-Honoré, n° 238 (oui 1410, nouveau style) et Masuyer l’y suivit. Lorsque Petion, le 23 juin, voulut échapper au garde qu’on lui avait donné, ce fut en allant dîner chez Masuyer (et par conséquent chez Coqueau ; Bosc se trouvait à ce dîner). Masuyer et Coqueau payèrent cher cette complicité. Dès le lendemain, la Convention décréta que Masuyer serait mis en état d’arrestation et que les scellés seraient mis sur ses papiers (P.V.C., 24 juin), et le même jour, Coqueau subissait un interrogatoire (Dauban, Démagogie, p. 249). — Masuyer s’échappa, et c’est par contumace que, le 3 octobre, il fut des 41 députés mis en accusation. Errant d’asile en asile, — revenant parfois chez Coqueau, s’il faut en croire une anecdote de la Biog. Rabbe, — il alla s’abriter chez Bosc, à Sainte-Radegonde, et y arriva le 18 mars 1794, le jour même où Larevellière-Lepeaux quittait ce refuge. Malheureusement, dès le lendemain, il voulut retourner à Paris, fut arrêté au pont de Neuilly, et, le soir même, sur simple constatation d’identité, fur envoyé à l’échafaud. Mém. de Larevellière, I, 169-170.)

    Quant au pauvre Coqueau, trois jours après, le 22 mars, il fut arrêté et écroué aux Carmes (Vatel, II, 270), puis, après quatre mois de détention, condamné et exécuté le 27 juillet (9 thermidor), le jour de