Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1488

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prises, est le seul peut-être qui mette autant et plus d’ardeur à répandre les connaissances utiles et à voir fleurir les Arts mêmes qu’il cultive, qu’à recueillir les justes fruits de ses infatigables travaux. C’est lui qui a rectifié et fixé mes idées sur les procédés de cet Art, et il en a confirmé l’instruction par tous les détails de pratique qu’il m’a mis à portée d’observer. »

On sait si je connais l’influence du commerce sur l’esprit, le caractère et les mœurs des hommes ; je renvoie ceux des lecteurs, qui pourraient l’ignorer, au mot Inspecteur des manufactures et du commerce dans ce Dictionnaire, où j’en donnerai quelques idées ; et je préviens que depuis quarante ans que j’observe les commerçants, depuis trente que, placé au point le plus favorable pour les bien voir, et d’où je les considère sous toutes les faces et dans tous leurs rapports, M. Flesselles, depuis dix-huit ans que je le connais, me présente l’exception la plus confiante, la plus complète, et à la fois la plus honorable, des très générales influences du commerce, aussi nuisibles, aussi destructives, plus dégradantes de l’homme moral, que ne le sont de l’homme physique celles de la peste[1].

Flesselles s’occupa ensuite, avec Martin, un autre manufacturier d’Amiens, son allié, d’introduire en France deux mécaniques à filer le coton, toutes deux d’importation anglaise : Roland collabora avec eux pour les construire et les perfectionner. Voici ce qu’il en dit, au tome II, p. 309-311, de son Dictionnaire :

Dans quelques endroits de cet ouvrage, notamment au traité de la filature, j’ai parlé de deux mécaniques à filer, toutes deux tirées d’Angleterre. L’une, dont j’ignore l’auteur, est en usage dans quelques manufactures à Elbeuf, à Abbeville et ailleurs. À Amiens, sur les dessins que j’en ai fournis, on vient de l’appliquer à la filature du coton. L’autre, de l’invention du sieur Arckright[2], admirée en Angleterre où on l’emploie avec le plus grand succès, est celle qui a été apportée en France par sieur Martin.

On est sur la voie de perfectionner la première, d’après des idées anglaises ; et ce sera encore à M. Martin qu’on devra de nous les avoir transmises. En attendant ces additions, soustractions, variations ou changements ingénieux et utiles, que d’autres peuvent également opérer, pour mettre à portée chacun de le faire, je crois devoir publier cette mécanique telle qu’elle est connue et mise en usage en France…

… L’autre mécanique dont j’ai parlé ci-devant, ou plutôt la suite des mécaniques pour carder le coton, le filer en gros, le filer en fin et le retordre ; celle de l’invention du sieur Arckright, qui a fait une révolution dans les fabriques d’Angleterre, qu’a apportée en France le sieur Martin, que j’ai annoncée et présentée à l’Administration, dont M. Vandermonde a fait le rapport ; mécanique bien désignée de son effet par le nom de filature perpétuelle, dont le fil, toujours parfaitement égal, peut être porté à la plus grande finesse et au degré de tors qu’on veut ; cette mécanique enfin, sur le rapport de gens instruits, a été jugée ce qu’elle est par l’Administration même. — Je ne saurais donner une idée plus positive de ce jugement qu’en transcrivant l’arrêt du conseil, revêtu de lettres patentes enregistrées, rendu en conséquence.


Extrait des Registres du Conseil d’État.

« Sur la requête présentée au Roi en son Conseil, par les sieurs Martin et Flesselles, contenant que les fabriques anglaises de bas, toile et velours de coton, ne doivent la supériorité qu’elles ont sur

  1. Dict. des manuf., t. I, p. 401 et suiv.
  2. Sic. C’est Arkwright (1732-1792), l’inventeur du Mull-Jenny.