Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/310

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Voilà, mon cher maître, le compte que j’ai à vous rendre aujourd’hui et tout ce que ma santé peut fournir à mon journal. Je me garderai bien de te dire : « Si tu n’y crois pas, viens-y voir ! », et tu sens ma raison qui n’est point du tout celle que tu pourrais méchamment supposer.

Je viens d’être interrompue par l’abbé Reynard ; nous avons beaucoup causé en peu de temps ; il m’a conté ce que tu sais, mais ce qui m’a paru plaisant, ce sont ses éloges affectés d’un ouvrage traduit de l’allemand sur les merveilles de la nature et de la Providence, ouvrage qu’il a trouvé à Paris, dont il est enchanté et qu’il a fini par me proposer de lire. Il ne faut pas que le titre t’en donne une idée scientifique : ce sont des méditations pour chaque jour de l’année. Bref, cela peut être bien fait et remarquable dans son genre, mais j’imagine que le bon abbé est pressé de me le procurer, comme Dom Blondin[1] était pressé de te faire lire la brochure contre Voltaire ; et ce zèle actif, manifesté à une première visite depuis un long temps que je ne l’avais vu, me parait fort singulier.

M. de Bray m’a dit hier que le départ de son sellier était retardé de deux jours, d’après quoi je présume qu’il ne faut pas l’employer pour rien faire venir ici.

J’ai vu Flesselles et lu tes lettres, fermé moi-même celle a M. Homelane qu’il allait voir hier en me quittant. Tu as fait tout cela très bien ; tes représentations à l’évêque sont dignes, fortes et pressantes ; j’ai gardé cette copie, elle est dans mon goût.

Ce pauvre D. de La Cx. [Croix] ! J’imagine que tu attendais la requête qui sollicite sa détention pour avoir cela à citer, et c’est en effet très bon.

Je ne t’en dirai pas davantage aujourd’hui, malgré ma bonne envie de causer ; mes filles ont à travailler, je veux dépêcher la sortie de l’une d’elles pour hâter d’autant son retour. Par cette raison, je n’écris pas un seul petit mot à M. d’Antic à qui je mets tout crûment une

  1. Dom Blondin. — Nous ne savons rien de lui.