Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/439

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je veillerai aux commissions pour toi et pour les livres ; j’ai dans mon voisinage, c’est-à-dire dans cette rue, une connaissance de M. Villard que voient quelquefois les amis ; mais il ne me connait point. La demande de ma demeure était une honnêteté que devait le fils ; j’aurais vu avec une sorte de curiosité sa grande sœur, si les affaires et mille choses n’avaient rendu ta réponse aussi convenable. Je ne vois point M. de By. [Bray]. Il ne partira peut-être d’Amiens qu’à la Saint-Jean. Le Dailly[1], md [marchand], que tu as Vu ici une fois, a manqué perdre sa petite-fille ces jours derniers ; elle est tombée par sa fenêtre, dans la rivière : un jeune homme s’est jeté à l’eau et l’a sauvée ; la mère est tombée dans un état terrible par l’horreur et l’effroi du premier moment. Cela a fait quelque sensation dans cette ville où l’on s’amuse de tout par air. Le prévôt des marchands a été voir le jeune homme dont la générosité (toute naturelle cependant dans un être qui sait nager) a fait crier merveille ; et la boutique du marchand ne désemplit pas depuis cet événement.

Je donne quelquefois de gros soupirs à mon pauvre clavecin. Dans l’ennui de ne le plus voir, j’ai pris l’autre jour la musique qu’on m’a achetée pour lui et je l’ai chantonnée durant une heure. Chanter une musique de clavecin, c’est danser sur un plancher raboteux ; mais enfin, j’en avais la rage. En vérité, j’ai un grand tendre pour ce cher clavecin, et l’idée d’en jouer quelquefois au Clos, en dépit de toutes ces vilaines gens, me fait me moquer de toutes leurs grimaces. J ai rempli, ou du moins le frère a rempli pour moi la commission de M. de B[ray]. Reste à savoir quand il faudra l’expédier.

Tu as donc été promener avec la petite entre toi et ton frère ? Ce

    m’habillai ; nous allâme, en famille, le poussin entre les deux frères, voir le dada [le cheval sur lequel Roland faisait ses tournées], puis faire une promenade de rempart, d’où nous vîmes la voisine et son chevalier… La petite dort encore ; le frère dit son breviaire ; on travaille à la cuisine ; j’écris ; chacun est à son affaire… — P.S. Ton Eudora se porte bien ; nous venons de déjeuner ensemble et de jouer beaucoup nous trois [avec le prieur]. Le clavecin a été accordé ces jours passés et t’attend… »

  1. Inconnu.