Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/803

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tuation qui le tire hors de lui-même, le force à l’action et lui donne de l’expérience malgré lui ; que s’il eût aimé l’étude ; tout était dit, mais que, n’aimant seulement pas la lecture, il n’y a point de prise de ce côté : ce serait folie de s’y obstiner. Il faut donc qu’il soit exercé, qu’il le soit violemment, que la nécessité le gourmande ; c’est tout ce qui reste pour en faire non un sujet distingué, mais un honnête homme qui suive une carrière commune, sans écarts et sans éclat. Sans doute, à d’autres yeux que les nôtres, il pourra paraître beaucoup moins mal. Ce n’est point encore un mauvais sujet, mais un homme commun ; ses inclinations ne sont pas perverses, mais triviales : il ne manque point d’intelligence, mais de tact, parce que celui-ci tient au sentiment d’où résulte aussi […] qu’il n’aura jamais, parce que la nature […] pas fait sensible. Ses défauts réels sont la […], la mollesse, l’inconstance et toute la kyrielle qu’entraînent ces qualités négatives : ce qui contraste singulièrement avec une haute opinion de lui-même et une excessive répugnance à être repris, conduit ou gêné. D’après quoi, il nous considère, mais ne nous aime pas : ce qui arrivera également de tout ce qui s’élève au-dessus de sa portée, par conséquent d’un état plus relevé que son cœur, etc. etc.

Avec le compte rendu de tout ce que tu sais et de ce dont je te parle dans mon autre lettre, les choses prendront la tournure à laquelle nous devons nous attendre. D’ailleurs, je le dis expressément au père, s’il n’eût communiqué qu’à lui seul son ennui et ses projets, nous pourrions, instruits par Platon, travailler à le ramener ; mais, après ce qu’il nous a mis dans le cas de lui représenter et la manière dont il l’a pris, il ne peut plus rester.

Je l’attendais ce soir ; j’ai grand’peur qu’il ne se dégourdisse trop avec Lubac et que tu n’aies pu le retenir assez. Du moins, qu’il s’en aille chez lui les braies nettes ! J’en ai du [souci, à] cause de ses bons parents.

[Ton] frère n’est point venu ; nous verrons demain ; tu auras la présente le même jour que mon autre causerie ; je ne m’étends donc pas davantage et me réserve à le faire dans mon lit où je vais me cou-