Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/973

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patriotes ; la procédure inique de cet infâme Châtelet[1], tendant à la dissolution même de l’Assemblée et malgré l’un de ses décrets relatif aux journées des 5 et 6 octobre ; les demandes réitérées du grand avaleur de millions qui vient encore d’en engloutir quarante, sans que l’on dise mot de son mauvais compte ; les mesures des troupes autrichennes[2], l’état de Lyon, tout me semble se tenir et nous pousser dans l’abîme, si nous ne faisons volte-face et défense ouverte. Puisque j’ai cité Lyon, il faut que je vous répète que les barrières n’y sont toujours point rétablies, quoi qu’en ait dit faussement Brissot lui-même ; qu’à l’exception du premier décret relatif, dont l’annonce précipitée, après l’abolition déclarée par la municipalité, causa de la fermentation, l’autre n’est point encore publié ; celui que vous dites accompagné d’une invitation si touchante et si propre à ramener les esprits est toujours dans le secret ; on attend, dit-on, pour le publier avec succès, qu’il y ait assez de forces réunies pour en assurer l’exécution.

Mais j’ai deux questions à faire :

1° Puisqu’il est instant d’assurer les perceptions des revenus publics et que Lyon a eu, ainsi qu’il le fait annoncer dans les papiers, tant de secours de gardes nationales des environs, et j’ajoute qu’il aurait pu en avoir tant d’autres, pourquoi ne s’est-il pas hâté d’user de ces secours pour rétablir la perception des droits ? Un citoyen, comme je crois vous l’avoir déjà mandé, m’observait qu’avec bonne garde à chaque porte, les barrières eussent été rétablies avec facilité dès les premiers temps.

2° Pourquoi, puisque l’on veut devoir ce secours à des troupes réglées, ne pas précipiter leur marche ? Voilà déjà six semaines d’écoulées sans perception de droits quelconques. Lundi 9, le régiment de Monsieur arrive à Villefranche de bonne heure ; il y couche. Le lendemain, il se rend à Trévoux à une lieue et demie, pour y séjourner ; je doute qu’il soit encore à Lyon. Le 17, on attend à Villefranche Lamark Allemand.

  1. Le Châtelet avait ouvert une interminable procédure (Tuetey, I, 1011-1039) contre les meurtres commis à Versailles dans la matinée du 6 octobre 1789, et semblait vouloir y impliquer les instigateurs de la prise d’armes du 5. Il venait précisément, les 5 et 6 août, de décréter de prise de corps, pour ce fait, dis-huit personnes, dont Théroigne de Méricourt, Louise-Reine Audu, et d’impliquer dans les poursuites le duc d’Orléans et Mirabeau. (Voir Patriote du 9 août.).
  2. Les troupe autrichiennes marchaient sur la Belgique révoltée et Bouillé, qui commandait la frontière du Nord, avait prescrit de leur livrer passage, sur l’ordre, disait-on, du ministre de la guerre. (Voir Révolutions de Paris, n° 56, p. 198.)

    L’Assemblée s’en était émue dans sa séance du 27 juillet.