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[À BOSC, À PARIS[1].]
9 octobre 1790, — [du Clos].

Je vous prie d’expédier la ci-jointe à M. Deu[2], pour lequel vous ajouterez de ma part mille et mille amitiés. Le tracas des vendanges au milieu desquelles je suis toute seule ne m’a laissé que le temps de faire une réponse due depuis longtemps. Mon bon ami est à Lyon, à faire des juges ; Lanthenas est allé lui tenir compagnie et apostoliser de son mieux dans cette triste ville ; l’ami Bancal est rendu parmi les électeurs dont il fait partie.

Je suis demeurée avec mon poussin[3] et nos gens, mes pommes et nos raisins. Nous n’entendons que tonnerres depuis huit jours, et je ne vois rien de si pressé que de recueillir les fruits de l’année.

Adieu, je vous embrasse comme aux champs, mais réveillez les Parisiens et l’Assemblée ; faites décréter que les huit cents millions d’assignats ne pourront être employés qu’en acquit de la dette, bien justifiée, et ne les laissez pas manger par un courant qui vous épuise et un Dufresne[4] et des ministres qui nous grugent à qui mieux mieux. Si l’on n’est plus sévère sur les finances, il faudra s’égorger ou retomber dans les fers, ce qui est encore pis.

  1. Collection Alfred Morrison, 1 folio.
  2. Madame Roland, qui avait toujours écrit d’Eu, met Deu à cause du décret du 19 juin 1790. — Malgré une divergence d’opinions politiques de plus en plus marquée, les Roland restaient en rapports affectueux avec leur ami d’Amiens, qui continuait à apporter ses contributions au Dictionnaire et qui entretenait avec Bosc une correspondance suivie.

    M. Beljame a de lui un grand nombre de ces lettres, allant de 1785 à 1789, et où se mêlent, aux questions de botanique, des nouvelles intéressantes d’Amiens.

  3. Sa fille. — Voir la lettre du 15 novembre 1781, note.
  4. Bertrand Dufresne (1736-1801), depuis membre des Cinq-Cents. Il avait été nommé par Necker, en 1788, directeur du trésor. Après la retraite de Necker (4 septembre 1790), il avait gardé ses fonctions.