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AU-DESSUS DE LA MÊLÉE

Ce doit être réservé pour plus tard, quand un examen scientifique en pourra peser tranquillement la valeur, quand les passions nationales se seront apaisées et que le jugement de l’histoire pourra être écouté avec calme.

« Cependant, nous estimons de notre devoir et nous considérons comme un avantage de notre qualité de neutres, de faire entendre notre voix contre un état de choses qui entretient systématiquement une animosité permanente entre les ennemis actuels. Tout en comprenant parfaitement que les événements surexcitent le sentiment national, nous croyons que le patriotisme ne doit pas exclure la capacité de reconnaître la valeur de l’adversaire, — que la juste conscience des vertus d’un peuple ne doit pas impliquer l’erreur que le peuple ennemi a tous les vices, — que la conviction dans la justice d’une cause ne doit pas faire oublier que l’adversaire ressent aussi fortement la même conviction.

« Si tel peuple est l’ennemi d’un autre, c’est (qu’on ne l’oublie pas) pour des rapports politiques ; et ces rapports changent suivant des circonstances que nul ne peut prévoir. L’ennemi d’aujourd’hui sera peut-être l’allié de demain. La façon dont l’on traite l’adversaire dans la presse des puissances belligérantes menace d’éterniser la haine la plus atroce. Aux maux qui sont déjà la conséquence immédiate de la