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AU-DESSUS DE LA MÊLÉE

secoue sa neurasthénie pour appeler les hommes « à faucher l’herbe qui dégoutte de sang ». Franz Wedekind invective contre le tsarisme, Lissauer contre l’Angleterre. Arno Holz délire de frénésie. Petzold voudrait être dans toutes les balles qui entrent dans le cœur de l’ennemi. Et Richard Nordhausen chante un lied au mortier 42[1]

Chez les jeunes, la même ivresse guerrière se manifeste, au début. Mais beaucoup l’ont perdue bien vite, au contact des souffrances subies et causées. Fritz von Unruh, qui s’engage comme uhlan et qui part en criant : « Paris !… Paris est notre but ! », dès septembre, sur l’Aisne, compose Der Lamm (l’Agneau) : « Agneau de Dieu j’ai vu ton douloureux regard. Apporte-nous la paix et le repos, ramène-nous bientôt dans le ciel de l’amour, et recouvre les morts !… » Rudolf Léonhard, qui chante la guerre, au début, et qui se bat, lui aussi, quand il relit peu après la suite de ses vers, inscrit à la première page : «  Écrit dans l’ivresse des premières semaines. L’ivresse est partie, la force est restée ; nous reprendrons de nouveau possession de nous-mêmes et nous nous aimerons. » — Des poètes inconnus se révèlent par le cri de compassion de leur cœur déchiré. Andréa Fram, resta à la maison (Zu Hause), souffre de ne pas souffrir tandis que des mil-

  1. Voir l’article vengeur de Josef Luitpol Stern : Dichter, dans Die Weissen Blätter (Mars 1915).