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LITTÉRATURE DE GUERRE

ments des passions nationales, le plus décidé, le plus éloquent, le plus hardi, celui dont la personnalité a été soulevée le plus haut par la tempête, est Wilhelm Herzog, qui dirige le Forum de Munich, et qui, comme notre Péguy au début de ses Cahiers de la quinzaine, remplit presque entièrement sa revue de ses articles enflammés. Nourri de Heinrich v. Kleist, dont il a été l’historien passionné, il regarde et il juge les choses de ce temps, avec les yeux tragiques de cet indomptable esprit. La censure allemande a beau le bâillonner, lui couper la publication qu’il veut faire de la conférence de Spitteler, ou de celle d’Annette Kolb, ses cris d’indignation et d’ironie vengeresse s’élèvent jusqu’à nous. Il flagelle âprement les 93 intellectuels, « qui se croient des Ajax, parce qu’ils braillent le plus fort », ces politiques à la Haeckel qui partagent le monde, ces bardes patriotes qui insultent les autres nations ; il attaque sans égards Thomas Mann, tourne en dérision ses sophismes, défend contre lui la France, l’armée française, la civilisation française[1]. Il montre que tous les grands hommes de l’Allemagne (Grunwald et Durer et Bach et Mozart et les autres) ont été persécutés, calomniés, humiliés[2]. Dans un article intitulé : Der neue Geist[3], après avoir raillé le retour du

  1. Die Uberschätzung der Kunst (décembre 1914).
  2. Von der Vaterlandsliebe (janvier 1915).
  3. Décembre 1914