Page:Rolland - Au-dessus de la mêlée.djvu/152

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

142
AU-DESSUS DE LA MÊLÉE

prose, parues tout récemment sous le titre : Vor der Entscheidung (avant la décision)[1]. C’est un poème dramatique, où l’auteur a noté ses propres impressions et sa transformation morale. Le héros, qui est comme lui un officier de uhlans, traverse différents milieux de la guerre, et reste partout un étranger, une âme dégagée des passions meurtrières, qui voit l’abominable réalité et qui en souffre jusqu’à l’agonie. Les deux scènes reproduites par la Neue Zürcher Zeitung montrent une tranchée boueuse et sanglante, où des soldats allemands, comme des bêtes à l’abattoir, meurent ou vont mourir, avec d’amères paroles, — et des officiers qui se grisent de Champagne autour d’un mortier de 42 et rient et s’étourdissent, jusqu’à ce qu’ils tombent écrasés de fatigue et de sommeil De la première scène, je détache ces terribles paroles d’un de ceux qui attendent, dans la tranchée, sous la mitraille : — (Dreissigjœhriger) « un homme de trente ans » :

Au pays, ils rient, — ils arrosent chaque victoire. — Ils nous égorgent comme du bétail de boucherie — et ils disent : « C’est la guerre ! » — Quand ce sera fini, ils sont malins, — ils nous feront fête pendant trois ans. — Mais le premier estropié ne grisonnera pas — qu’on se moquera déjà de ses cheveux blancs.

  1. La Neue Zürcher Zeitung en a publié quelques fragments dans son numéro du 4 avril.