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AU-DESSUS DE LA MÊLÉE

mort, c’est donc faire œuvre révolutionnaire ». — Ainsi, dans tout ce qu’il touche, il rétablit la généreuse synthèse de toutes les forces de la vie, il impose partout sa grande vue panoramique de l’univers, le sens de l’unité multiple et mouvante des choses. Cet équilibre admirable d’éléments innombrables suppose chez celui qui le réalise une magnifique santé du corps et de l’esprit, la maîtrise de l’être. Jaurès la possédait ; et par là, il était le pilote de la démocratie européenne.

Qu’il voyait loin et clair ! Plus tard, quand on refera le grand procès de la guerre de ce temps, il y apparaîtra comme un témoin redoutable. Que n’a-t-il pas prévu ! Qu’on feuillette ses discours, depuis plus de dix ans[1] ! Il est encore trop tôt pour citer, au milieu du combat, telles de ses dépositions vengeresses, devant l’avenir. Rappelons seulement, dès 1905, son angoisse de la guerre monstrueuse qui vient[2] ; — sa hantise « du conflit tantôt sourd, tantôt aigu, toujours profond et redoutable, de l’Allemagne et de l’Angleterre » (18 novembre 1909)[3] ; — sa dénonciation des menées occultes de la finance et de la diplomatie européennes, que

  1. Ou les extraits qu’en donne Charles Rappoport, dans son livre excellent : Jean Jaurès, l’homme, le penseur, le socialiste, (1915, Paris, à l’Émancipatrice), avec une préface d’Anatole France. — À ce livre se réfèrent les indications de pages dans les notes qui suivent.

    À lire aussi la brochure de René Legand : Jean Jaurès.

  2. Rappoport, op. cit., p. 70-77.
  3. Rappoport, p. 234.