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AU-DESSUS DE LA MÊLÉE

liste.[1] C’est le député Frank, le principal champion de l’union franco-allemande, qui est tombé sous les balles françaises, pour la cause du militarisme. Car ces hommes, qui n’ont pas le courage de mourir pour leur foi, ont celui de mourir pour la foi des autres.

Quant aux représentants du Prince de la Paix, prêtres, pasteurs, évêques, c’est par milliers qu’ils vont dans la mêlée pratiquer, le fusil au poing, la parole divine : Tu ne tueras point, et : Aimez-vous les uns les autres. Chaque bulletin de victoire des armées allemandes, autrichiennes ou russes, remercie le maréchal Dieu, — unser alter Gott, notre Dieu, — comme dit Guillaume II, ou M. Arthur Meyer. Car chacun a le sien. Et chacun de ces Dieux, vieux ou jeune, a ses lévites pour le défendre et briser le Dieu des autres.

Vingt mille prêtres français marchent sous les drapeaux. Les jésuites offrent leurs services aux armées allemandes. Des cardinaux lancent des mandements guerriers. On voit les évêques serbes de Hongrie engager leurs fidèles à combattre leurs frères de la Grande Serbie. Et les journaux enregistrent, sans paraître s’étonner, la scène paradoxale des socialistes italiens, à la gare de Pise, acclamant les séminaristes qui rejoignent leurs régiments, et tous ensemble

  1. Liebknecht a, depuis, glorieusement lavé son honneur des compromissions de son parti. Je lui en exprime ici mon admiration. (R. R. janvier 1915).