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AU-DESSUS DE LA MÊLÉE

votre pouvoir moral, ô hommes de peu de foi !… Et quand il y aurait un risque, ne pouvez-vous le courir, pour l’honneur de l’humanité ? Quel prix aurait la vie, si vous perdiez, pour la sauver, toute fierté de vivre !…

Et propter vitam, vivendi perdere causas…

Mais nous avons une autre tâche, nous tous, artistes et écrivains, prêtres et penseurs, de toutes les patries. Même la guerre déchaînée, c’est un crime pour l’élite d’y compromettre l’intégrité de sa pensée. Il est honteux de la voir servir les passions d’une puérile et monstrueuse politique de races, qui, scientifiquement absurde (nul pays ne possédant une race vraiment pure), ne peut, comme l’a dit Renan, dans sa belle lettre à Strauss[1], « mener qu’à des guerres zoologiques, des guerres d’extermination, analogues à celles que les diverses espèces de rongeurs ou de carnassiers se livrent pour la vie. Ce serait la fin de ce mélange fécond, composé d’éléments nombreux et tous nécessaires, qui s’appelle l’humanité ». L’humanité est une symphonie de grandes âmes collectives. Qui n’est capable de la comprendre et de l’aimer qu’en détruisant une partie de ses éléments, montre qu’il est un barbare et qu’il se fait de l’harmonie l’idée que se faisait cet autre de l’ordre à Varsovie.

Élite européenne, nous avons deux cités :

  1. Lettre du 15 septembre 1871, publiée dans la Réforme intellectuelle et morale.