Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/118

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une procession, la croix en tête, que tenait, en l’appuyant sur son bedon, comme une lance, un polisson, pas plus haut que ma jambe, et qui tirait la langue à l’autre enfant de chœur, en louchant vers le bout de son sacré bâton. Après lui, quatre vieux portaient cahin-caha, dessous un drap, de leurs mains rouges et gonflées, un endormi qui s’en allait, sous l’aileron de son curé, en terre achever son somme. Par politesse, je fis la conduite jusqu’au logis. C’est plus gai, quand on n’est pas seul. J’avoue aussi que je suivais un peu afin d’ouïr la veuve, qui, selon l’us, allait bramant, à côté de l’officiant, et racontant la maladie et les remèdes qu’avait pris le défunt et son agonie, ses vertus, son affection, sa complexion, enfin sa vie et celle de son épousée. Elle alternait son élégie avec les chansons du curé. Nous suivions, intéressés : car je n’ai pas besoin de dire que, tout le long, nous récoltions de braves cœurs pour compatir et des oreilles pour ouïr. Enfin, rendu à domicile, à l’auberge du bon sommeil, on le posa dans son cercueil, au bord de la fosse bâillante ; et comme un gueux n’a pas le droit d’emporter sa chemise de bois (on dort aussi bien tout nu), après avoir levé le drap et le couvercle de la boîte, on le vida au fond du trou.

Quand j’eus jeté dessus une pelletée de terre afin de lui border son lit, et fait le signe de la croix pour écarter les mauvais rêves, je m’en allai bien satisfait : j’avais tout vu, tout entendu, pris part aux joies, pris part aux peines ; mon bissac était rempli.